"A Boufarik, nous nous sommes sentis totalement étrangers lorsque les intégristes ont pris la ville. Nous n'y avions plus notre place." Les traits tirés, le visage cerclé par une barbe de plusieurs jours, Ghanou accepte de témoigner.


Il veut bien raconter ce qui s'est passé dans cette localité de la Mitidja qui compte plus de 100.000 habitants. Mais il n'aime pas parler de lui. Cette humilité n'est pas feinte. Elle dit à elle seule le degré d'engagement dans la vie culturelle et sociale de ce jeune homme dont l'expérience dépasse ses trente ans. En 1990, le raz de marée intégriste déferle sur la commune. Le FIS prend la mairie et met en place ses réseaux. Son implantation est si forte que, à l'époque, on disait en Algérie que si le pays se libérait des islamistes, Boufarik resterait toujours entre leurs mains. Ghanou fréquentait assidûment le club d'électronique du centre culturel. Un lieu de vie particulièrement apprécié avec ses multiples activités, ses associations et sa bibliothèque. 'Tous les jours, en fin d'après-midi, nous nous y retrouvions, garçons et filles, se souvient-il. Le FIS a commencé par interdire la musique. Ensuite, la police islamique est venue. Elle a cassé tout le matériel qui se trouvait dans le centre. Ce n'était qu'un début. Ils ont interdit la mixité dans les bus qui transportaient les étudiants jusqu'à l'université. Nous avons tenté d'intervenir. Une fois, je suis monté avec les filles, on m'a dit: tu vas mourir'. Une attitude qui l'a désigné comme un ennemi des barbus. M ALGRE les menaces, Ghanou a continué à vivre chez lui. Donc à se battre. 'Au même moment, des centaines de jeunes filles ont refusé de porter le voile, malgré les injonctions qui leur étaient faites. La menace se précisait. Le choix était: se battre ou partir. On ne recherche pas le sensationnel derrière sa mort, mais il fallait rester parce que notre simple présence les dérangeait.' Après la fermeture du centre culturel, il a tenté d'organiser les jeunes. 'Mais les moyens n'existaient pas. Il fallait sauver sa peau. On vivait sur un périmètre très limité. On sortait de chez nous, on allait dans un café, on restait dans un circuit fermé. A cette époque, j'étais chômeur. Après 20 heures, il fallait être rentré. Et quand on rencontrait une fille qu'on connaissait, on l'évitait pour qu'elle n'ait pas de problèmes.' Quelque temps plus tard, un de ses amis était froidement assassiné devant ses yeux. 'Il n'avait aucune activité politique, il incarnait simplement la vie', confie-t-il, sans toujours comprendre comment on peut arriver à un tel degré d'abjection. L A dissolution des conseils municipaux du FIS par Boudiaf en 1992 a été 'accueillie avec joie à Boufarik parce que les gens avaient ouvert les yeux, mais les intégristes étaient toujours en ville et nous harcelaient'. En 1995, sous la conduite de Mohamed Sellami, abattu depuis, les premiers groupes de patriotes se créent. Les armes à la main, ils tiennent tête au GIA, lui causent des pertes sévères. Ghanou aide alors au soutien logistique de ces groupes d'autodéfense. Parallèlement, avec des amis, il obtient la réouverture du centre culturel. 'La peur n'est pas partie toute seule. Il a fallu réapprendre à vivre normalement. Maintenant, quand je sors de chez moi, je ne vérifie plus s'il y a quelqu'un.' P OUR répondre 'au besoin de vie, parce que ce qui s'est passé va laisser des traces psychologiques notamment chez les enfants', Ghanou a créé une association il y a six mois. Le nom qu'il a choisi se passe de commentaire: 'Etre'. Avec lui, 30 jeunes de Boufarik se sont investis. Ils sont étudiants, chômeurs, ouvriers. Une initiative qui, contrairement à ce que l'on pourrait penser, rencontre des obstacles administratifs qui ne relèvent pas toujours de la bureaucratie. Peut-être est-ce parce que les différents contacts établis par Ghanou laissent présager d'un rapide développement de cette association aux quatre coins du pays. 'Nous voulons créer des sections 'Etre' partout, car c'est la lutte pour la vie. Et les intégristes sont contre la vie', lance-t-il avec force.

Pour plus d'informations...
http://www.humanite.presse.fr/journal/index.html


Ajouter un commentaire

Derniers Commentaire

Et ça continu en 2018 ! :sad:

Bonjour, étant un ancien élève de ce prestigieux Lycée de 78 à1982, je garde de très beaux...

Salami je vous conseil de fermer ce l'y car il n est pas a la place qu' il faut je pense qu' il...

Salam, Bonjour J'ai fréquenté le Lycée Ibn Toumert entre 1981 et 1984. J'avais M.Delettre comme...

Fanfare de Boufarik
02.02.2018 22:55

:sigh: Yes!!! je me retrouve pendant ses années; lorsque la musique n'etait pas une...