BOUFARIK, la ville des oranges, vient de connaître un vrai carnage. Cinq personnes assassinées à l’arme blanche, deux journalistes, deux membres de l’exécutif communal et un chômeur. Tout a commencé le mercredi 1er décembre vers 23 heures, lorsqu’un groupe de terroristes d’une trentaine d’hommes a investi la cité Maya, à la sortie de la ville.

Cette cité est séparée des centaines d’hectares d’orangeraies qui la bordent par une petite rivière. Personne n’a donc vu arriver les tueurs. Bien renseignée, une partie du groupe s’est dirigée rapidement vers les domiciles de leurs victimes. Ils ont d’abord fait sauter à l’arme à feu les serrures des portes blindées qui protégeaient les appartements. Puis ils ont fait descendre leurs victimes au bas des immeubles, et, au milieu des pleurs des proches et des cris des enfants, les ont exécutées à l’arme blanche, c’est-à-dire égorgées.

Pendant ce temps, une autre partie du groupe se heurtait à un militaire venu passer la nuit dans sa famille. Il défendit sa vie en faisant usage de son arme avant de donner l’alerte. Une troisième partie du groupe mettait le feu à deux stations-service et à l’institut technologique de formation qui se trouvent à la sortie de Boufarik. Lorsque les forces de sécurité sont arrivées sur les lieux, une heure après le drame, le groupe s’était enfui à travers les orangeraies.

Cet assassinat collectif, perpétré en toute impunité, apparaît comme une réponse aux dernières offensives des forces de sécurité qui se sont soldées pour le seul mois de novembre par 391 terroristes abattus, dont Hadjadj Slimane, l’« émir » de l’Est algérien, et surtout Lazaar Amar, instigateur de l’attaque du poste frontière de Guémar le 28 novembre 1991, que l’on considère comme le début de l’action armée intégriste. Lazaar Amar, ancien officier de l’armée à la retraite et ex-maire FIS de Guémar, a été tué avec dix-neuf de ses compagnons dans la forêt de Chattaba près de Constantine.

Le choix de Boufarik est tout un symbole. Cette ville et sa région ont connu des moments particulièrement difficiles, surtout après l’allégement du dispositif sécuritaire décidé par le pouvoir en novembre 1993, en réponse aux demandes des partis politiques de la coalition islamo-conservatrice et du FFS d’Aït Ahmed. Des mesures dites d’apaisement, destinées théoriquement à créer les conditions d’une issue politique à la crise dans le cadre du dialogue avec les intégristes. Cette politique, dénoncée par les partis démocratiques et la société civile, eut les effets inverses des buts recherchés. Les terroristes mirent à profit cette trêve pour prendre en otage cette région de la Mitidja. Ils avaient imposé un couvre-feu, interdit la vente de la presse et des cigarettes, les antennes paraboliques, et ils se montraient en plein jour au vu et au su de tous.

Les premières victimes des groupes terroristes furent bien évidemment des anciens militants de l’ex-PAGS. D’abord Saheb Mohand, tué de plusieurs balles ainsi que sa jeune femme venue lui porter secours, dans une ferme d’Etat, en présence de ses deux petites filles. Lyes Boukrar, chercheur en sciences sociales, également militant de l’ex-PAGS, a pu échapper aux terroristes en sautant par la fenêtre de sa petite villa. Durant ce premier semestre 1994, Boufarik et sa région étaient pratiquement aux mains du GIA, du groupe des frères Zouabri, enfants d’un harki exécuté en 1961 par le FLN. Zouabri se faisait un devoir d’exécuter à l’arme blanche des moudjahidin (ancien combattant de la guerre d’indépendance) sur les lieux mêmes où son père fut exécuté. L’un de ces moudjahidin, Si Slimane, a déjà connu deux tentatives d’assassinat. La première date du 14 août. Au cours de la fusillade, Si Slimane abattit un des terroristes, L. Bouhila. Deux jours après, le 16 août, il repoussait une deuxième attaque d’un groupe de six hommes. Il en tuait un et en blessait un autre. Si Slimane, cet ancien ouvrier agricole des fermes coloniales, est toujours en vie, barricadé chez lui et décidé à se battre : « C’est ma deuxième guerre de libération », aime-t-il répéter à ceux qui lui conseillent de partir.

Pourtant, tout paraissait rentrer dans l’ordre depuis le mois d’octobre, jusqu’à cette fatidique nuit de mercredi à jeudi. La ville a retrouvé une vie presque normale. Lorsque son équipe de basket-ball, championne d’Algérie, se produit à la salle omnisports, c’est devant une salle archicomble. Il en est de même de son équipe de foot, en division une du championnat d’Algérie, qui draine des dizaines de milliers de spectateurs. La vente de journaux, longtemps interdite, a repris. Le boycott des écoles décrété par le GIA n’a pas été suivi… Et comme dans d’autres villes du pays, les habitants de Boufarik ont organisé une marche antiterroriste qui a mobilisé des milliers de personnes. Tout porte à croire que les assassinats visent de nouveau à mettre au pas la population de Boufarik.

Source: http://www.humanite.fr/1994-12-06_Articles_-Cauchemar-a-Boufarik


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